Ces dernières années, beaucoup d’acteurs du sport ont intégré l’ESS (économie sociale et solidaire) dans leur vocabulaire. Elle est souvent évoquée comme une promesse pour résoudre tous les problèmes que les associations sportives rencontrent, notamment en matière de modèles économiques. Quitte à en oublier l’essentiel : le sens de la démarche ESS.
Quelle communauté sportive ?
Le monde sportif n’arrive pas suffisamment à se fédérer, à parler d’une seule et même voix, en dépit des pétitions, appels aux dons et lettres ouvertes. C’est certainement dû à l’esprit de compétition qui règne entre les disciplines pour se répartir les parts du gâteau, en matière de ressources humaines et financières.
Telles sont les règles du ministère des sports : battez-vous pour que vos conventions d’objectifs soient réévaluées, les unes aux dépens des autres. Deux critères principaux sont pris en compte : le nombre de licencié·e·s et le nombre de médailles sur la scène mondiale. Mais qu’en est-il de la performance sociale ?
Si le sport n’est pas considéré comme une activité essentielle (au contraire de l’activité physique toujours autorisée), c’est qu’il n’arrive pas à démontrer son utilité pour la société. Les valeurs du sport sont souvent mises en avant, mais ne sont pas au cœur des politiques fédérales ou associatives. Elles sont évoquées comme conséquences de la pratique, mais pas comme moteurs de la pratique.
L’ESS, qu’est-ce que c’est ?
« Le terme d’économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de structures qui reposent sur des valeurs et des principes communs : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire et de ses habitants. Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement. »
Si l’on considère que le sport bénéficie au bien-être et à la santé des pratiquants, qu’il participe de l’éveil citoyen des jeunes, qu’il crée des liens sociaux entre les personnes, alors toutes les associations sportives relèvent de l’ESS.
Sauf que dans les faits, ce n’est pas si simple. Avant, l’esprit associatif était compris et partagé. Les adhérents se regroupaient autour d’une passion pour vivre une aventure collective. C’était un vrai ciment en matière de liens sociaux.
Mais désormais, l’activité sportive peut sembler un produit de consommation. L’important n’est plus le fait d’adhérer à un projet mais de satisfaire une envie. Quelle est la différence entre une séance de badminton en club et la location d’un court dans une structure lucrative ? Son ambition sociétale. L’une relève de l’ESS, l’autre de l’économie classique. Il n’est pas question ici de juger l’une ou l’autre, mais de clarifier leurs finalités.

Une illustration
Du parcours bénévole de Yohan Penel est né un projet : le nid du colibri. Un tiers-lieu dont le badminton est le support. Un lieu de vie, ouvert nuit et jour, où l’on peut manger, dormir, jouer au badminton, travailler, cultiver un potager ou une idée, débattre, inspirer les citoyens, …
La clé de ce projet, c’est l’infrastructure (qui est aussi le frein principal au développement des clubs de badminton en France). Avec peu de créneaux et un gymnase dont la fonction est limitée à la pratique sportive, il y a peu de place pour l’impact sociétal.
Pour faire mûrir ce projet, Yohan s’est tourné vers l’écosystème de l’entrepreneuriat social où le sport reste très discret.
- En 2018, il a obtenu la certification « Devenir entrepreneur du changement » portée par Ticket for Change et HEC : une immersion dans un monde inspirant, bienveillant, où chacun est acteur de son quotidien
- En 2019, il a participé au sprint « Makesense for entrepreneurs » : six semaines de partage avec des porteurs de projets pour passer à l’action, sonder les bénéficiaires, tester le concept.
Ce projet est en sommeil pour l’instant, car il reste encore à convaincre des décideurs publics et privés. Mais le colibri deviendra phénix.

Article 2 : de l’objet associatif
L’article 2 des statuts des clubs traite de l’objet associatif. Il est en général formulé comme « permettre la pratique du badminton » ou « promouvoir, organiser et gérer l’activité badminton », avec éventuellement une mention d’un territoire voire d’une classe d’âge.
L’enjeu de la décennie à venir sera de questionner cet article à travers un débat éclairé avec l’ensemble des adhérents. Il doit correspondre à l’attente des badistes, ainsi qu’à une ambition collective en lien avec les politiques publiques du territoire.
A la question « qu’est-ce qui vous plaît dans le badminton ? », il y a autant de réponses que de badistes. Posons la question autrement : « Qu’est-ce qui vous anime, au plus profond de vous ? », ou encore « de quel monde rêvez-vous ? ». Des réponses peut découler le rôle du club jouer dans la vie de ses adhérent·e·s et de son territoire.
C’est l’ADN de TOUS Badminton ! Le badminton pour tous, partout, ensemble : mettre le badminton au service d’un projet de société dans laquelle chacun·e s’épanouit. Mettre l’humain au cœur des politiques fédérales. Mettre le badminton au cœur de la vie de ses adeptes.
Ainsi le sport a-t-il toute sa place dans le monde de l’ESS, pour avoir accès à ses outils, à ses synergies, à ses financements. Ca ne se fera qu’au prix d’une évolution : assumer les ambitions sociétales en paroles (statuts) et en actes (projets socio-éducatifs, médicaux, économiques, éco-responsables, …).
Soyons le changement que nous voulons pour le monde.
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